On peut définir un engrais vert comme toute plante cultivée pour augmenter la fertilité du sol et non pour être récoltée. La culture d’engrais verts est une pratique ancestrale et connue de tous ; elle est utilisée dans de nombreux systèmes de culture (rotations à base de céréales, maraîchage…). Les aspects techniques à mettre en oeuvre sont cependant délicats et doivent être réfléchis si on veut bénéficier des effets positifs attendus au niveau du sol. En viticulture, cette pratique très répandue en Californie par exemple est encore peu étudiée en France. Elle pourrait s’avérer intéressante hors de la période végétative de la vigne ou bien pour gérer le repos du sol après un arrachage.
L'implantation d'engrais vert peut présenter plusieurs intérêts :
Dans quelques cas très rares comme pour la moutarde sauvage (photo ci-contre chez Opus One dans la Napa Valley), la végétation spontanée se développant sur une parcelle peut jouer le rôle d'engrais verts. Cependant, dans la majorité des cas l'implantation d'engrais verts nécessite la réalisation d'un semis. La culture des engrais verts étant encore assez peu pratiquée en viticulture, les semences disponibles sur le marché sont issus de la céréaliculture ou du maraîchage. Les familles d'engrais verts sont classés en fonction de leur aptitude à fournir du carbone (“lent” ou “rapide”)
et de l’azote. Le carbone “lent” correspond aux matières riches en cellulose et lignine comme les céréales à paille. Le carbone “rapide” est associé aux Graminées prairiales et aux Crucifères, sources de sucres facilement dégradables. Les légumineuses quant à elle apportent de l'azote. Afin de s'assurer que les microorganismes puissent dégrader correctement la matière organique sans priver la culture d'azote (faim d'azote), il apparaît souhaitable de mélanger les engrais verts afin de disposer d'une formulation équilibrée entre carbone lent, rapide et azote. Le tableau ci-dessous présente quelques-unes des espèces utilisables en viticulture avec semis entre mi-août et mi-octobre :
Famille | Nom commun | période implantation | dose de semis (kg/ha) |
sensibilité au gel |
production matière sèche T/ha |
Graminées | seigle | août à octobre | 40-120 | peu sensible | 3 à 8 |
avoine | septembre à octobre | 120-150 | peu sensible -13°C |
3 à 6 | |
triticale | septembre à octobre | 100 | sensible | 5 à 10 | |
Légumineuses | trèfle incarnat | août à septembre | 25 à 30 | peu sensible | 4 à 6 |
féverole | septembre à octobre | 160-200 | sensible -5°C |
5 à 8 | |
vesce commune | août à septembre | 100-200 | peu sensible -10°C |
3 à 8 | |
pois fourrager | août à septembre | 50-150 | peu sensible -10°C |
5 à 8 | |
fénugrec | août à septembre | 15-50 | assez sensible -7°C |
4 à 6 | |
Crucifères | navette fouragère | août à septembre | 10 à 20 | sensible | 3 à 5 |
colza fourager | août à septembre | 8 à 15 | peu sensible | 4 à 9 |
NB : 1 ha de vigne = 50 à 75 ares d’engrais vert semés
Une action anti-nématode ou nématicide est parfois décrite pour quelques engrais verts comme la tagète des parfumeurs, l'avoine ou certaines crotalaires. Cette action, obtenue grâce à des composés exsudés ou libérés lors de la décomposition du végétal, concerne uniquement les nématodes des genres Meloïdogyne et Pratylenchus responsables de dégats directs. Ces mêmes engrais verts n'ont aucun impact sur les nématodes vecteurs du court-noué car la profondeur d’exploration des racines de l’engrais vert est très souvent insuffisante (< 1,5 m) pour avoir une action efficace sur Xiphinema index.
Le coût d'implantation et de destruction d'un engrais vert a été estimé grâce au logiciel Viticout® développé par l'IFV Sud-Ouest. Il fait apparaître que le semis automnal tous les inter-rangs, incluant la main d'oeuvre, le coût de la traction et les semences représentent environ 250 €/ha. La provenance des semences est un facteur important de réduction du coût. En ce qui concerne la destruction, il faut compter environ 35 €/ha pour le passage du rolofaca et 55 €/ha pour l'enfouissement.
L’expérimentation mis en place par l'IFV Sud-Ouest sur les vignobles de Gaillac, de Madiran avec la SICA Altema et des Côtes de Gascogne avec la Chambre d'Agriculture du Gers, porte sur la recherche du type de couvert le plus adapté (associations d’espèces) ainsi que sur les modalités de destruction des couverts, avec deux objectifs principaux: réduction des intrants et amélioration de l’alimentation azotée de la vigne. Plusieurs couverts végétaux plurispécifiques (avoine, pois fourrager, féverole, vesce, lupin, trèfle...) sont implantés dans l’inter-rang de vigne et comparés à un enherbement naturel des inter-rangs. L'objectif est de trouver le juste équilibre entre participation à la fertilisation azotée et reconstitution de l’humus du sol, et de permettre une libération de l’azote au moments-clefs du cycle de la vigne ( floraison, véraison). Sur chacun des sites, en plus d'une analyse économique, sont analysés plusieurs paramètres viticoles (nutrition azotée, rendement, vigueur…).